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Bateaux écuries, long jours etc...Les différentes solutions pour haler un bateau (1ère partie) . Les chevaux de Halage (6).

D 31 octobre 2014     H 09:40     A Traitgenevois     C 0 messages


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Les formules pour tracter un bateau, autrement que par des humains, vont se révéler extrêmement diverses.
Nous nous en tiendrons principalement au halage par les ânes, chevaux et mules.
Il faut avoir à l’esprit que la navigation sur les canaux et celle sur les rivières peuvent obéir à des contraintes très différentes selon les cours d’eau et les époques considérés. Nous prendrons surtout en compte les 19ème et 20ème siècle avec peut-être quelques incursions dans des temps plus anciens.
Ensuite,pour simplifier, nous dégagerons deux grandes familles de bateaux tractés par des équidés : les bateaux écuries et les autres.
Les premiers auront leurs équidés à bord, les seconds utiliseront ceux séjournant à terre.
C’est pour les canaux du centre de la France (Canal de Berry, du Nivernais, en Saône-et-Loire) que seront construits beaucoup de bateaux écuries. Encore que bien sûr, ils navigueront sur les autres canaux et les rivières, la Saône, la Seine et l’Yonne en particulier.
Ceux construits pour le canal de Berry étaient les fameux "berrichons". C’étaient des bateaux en bois.
"Rustiques,plus solides que les péniches du Nord, souvent sans écoutilles de couverture, ils avaient pour la plupart des "courbes"* et des "clans"** boulonnés et non cloués, ainsi que des "moustaches"*** renforcées à l’avant" (1).
Le Guetin sur le canal latéral à la Loire. Carte du Musée de la Batellerie de Saint-Jean-de-Losne. Collection personnelle.
Il y a un paradoxe de voir que ce sont souvent les bateaux les plus petits qui possèdent une écurie à bord.
Les bateaux berrichons étaient caractérisés par une longueur de 27,50m par 2,60m de large. Les premiers bateaux de ce gabarit pouvaient porter 50 tonnes à 1,00m d’enfoncement. Ces berrichons furent d’abord halés par deux hommes. Souvent par la suite, ces haleurs achetèrent leurs bateaux. Ils les firent alors halés par des ânes importés d’Algérie (et parfois par des Grand noir du Berry) . Ces petits ânes furent logés à bord dans une petite écurie constituée en une cabane posée sur le plat-bord du bateau (2).
Suite à l’ouverture du canal Latéral à la Loire, les berrichons eurent accès au réseau Freycinet. L’évolution des bateaux berrichons aboutit à la Flûte berrichonne, un bateau de "haut-bord" dont le poids total en charge avoisinait les 120 tonnes pour un enfoncement de 1,80m sur le dit réseau.
Les petits ânes allaient se révéler trop peu puissants pour tracter efficacement ce nouveau bateau et les mariniers eurent recours aux mulets et parfois aux chevaux (2).
Encore que du fait de leur poids les chevaux lourds n’étaient pas très bien vus.
Écuries à bord.Collection personnelle.
Les mulets présentaient l’avantage d’un poids réduit par rapport aux chevaux et d’une force de traction supérieure aux ânes.
Certains attelages étaient mixtes, un âne et un mulet.
Halage à Chagny sur le canal du Centre. Carte postée en 1912. Le canal fut mis au gabarit Becquey à partir de 1820 et au gabarit Freycinet en 1890. Image issue du blog La Batellerie.
Malgré tout, sur bon nombre de photos, ce sont souvent des ânes qui halent les bateaux. Il est possible que des considérations économiques n’aient pas toujours permis aux mariniers d’acheter des équidés plus puissants. Un sujet à creuser.
Ces modifications apportées aux bateaux obligèrent à revoir la conception de l’écurie des bateaux berrichons.
"L’accroissement de la hauteur de bord fait que l’écurie s’est progressivement encastrée dans la coque, ce qui complique la sortie et l’entrée de l’attelage et nécessite une passerelle de ,plus en plus importante ; puis une grue pour la manœuvrer..." (2)
Ecluse de Sept-Fons à Dompierre sur Besbre. Image issue du blog Dompierreencpa
L’écurie se situe au centre du bateau. La réserve à foin est souvent adossée à l’écurie protégée sous des bâches pour les petits bateaux (Document 1 du portfoilio. Document issue du site Bord à Bord, article de kikicmr) . Les documents sont rares à ce sujet.
Une gravure représente le foin entreposé sur le toit de l’écurie et protégé par une bâche (Document 2 du portfolio. Document AAMB).
Cette solution de l’écurie à bord, présente des avantages et des inconvénients.
Parmi les avantages, il faut mettre en avant l’autonomie. Les animaux sont à bord. Inutile d’avoir à les recruter au long du parcours et inutile le soir venu de leur chercher une écurie.
Le batelier se trouve ainsi indépendant. Il part et s’arrête quand il veut et ne dépend pas du bon vouloir d’un service extérieur.
Petit berrichon. Image issue du blog La Batellerie.
Au demeurant, cette indépendance semble, d’après les témoignages, avoir fait partie d’un état d’esprit qui animait les mariniers du centre.
Plus individualistes que les bateliers du nord, l’écurie embarquée représentait une aspiration à une pratique plus libre chez les mariniers des canaux du centre. Attention cependant, comme nous le verrons plus loin, à ne pas confondre vie libre et vie facile.
En ce qui concerne les "berrichons", un autre avantage, plus surprenant de prime abord, viens du retournement de l’adage " Qui peut le plus peut le moins". Dans le cas de ces bateaux, leurs petites dimensions leur permetent de voyager aussi bien sur les larges canaux du Nord que sur les canaux du centre ou sur le canal du Berry où ils sont les seuls à pouvoir naviguer. Bien entendu il s’agit là d’un avantage tout relatif, la charge de ces bateaux étant réduite par rapport aux "Freycinet". Mais ils trouvent là "la faculté de concurrencer les bateaux de gabarit Freycinet sur leur propre réseau, pour les petits lots inintéressants pour eux et bien entendu, ils conservent le monopole de la navigation sur le canal du Berry" (2).
Par extension, seront baptisés "berrichons" par bien des mariniers tous les bateaux écuries quelle que soit leur provenance.
Une mignole vue de l’arrière sur le canal de l’Aisne à la Marne, à Reims. Image et commentaire issus du blog Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux
Les bateaux écuries appartenaient aussi aux bateaux de gabarit Freycinet (38m50 par 5m05) et à des bâtards**** construits dans diverses régions (par exemple la Mignole ardennaise qui évoluera vers le gabarit Freycinet).
Bâtards et péniches étaient alors halés par des mulets ou des chevaux selon les cas.
Ainsi, la société H.P.L.M. exploitait une ligne de service accéléré entre Paris et Roanne. Deux chevaux halaient un bateau de 300 tonnes jour et nuit. Deux chevaux halaient tandis que deux autres étaient au repos dans l’écurie du bord.(3)
Sur ces plus grosses unités, l’écurie se situe toujours au centre du bateau, mais présente des dimensions plus importantes que sur les berrichons et les réserves à foin et à avoine sont attenantes (Documents 3 et 4 du portfolio. Documents AAMB).
Ces dimensions de l’écurie à bord pouvait alors présenter un autre avantage : il était possible d’y coucher un ou deux enfants ou le charretier dans un lit situé au dessus du coffre à avoine. (Document 5 du portfolio. Documents AAMB).
L’écurie comportait une porte d’accès de chaque côté du bateau. Au dessus des portes se trouvaient deux demi-écoutilles qui étaient relevées pour laisser place aux chevaux à leur sortie ou à leur rentrée.
Un bas-flanc séparait les animaux.
Le fumier qui se trouvait à bord était débarqué à l’occasion près d’une écluse pour le plus grand bonheur de l’éclusier qui l’utilisait pour son jardin. Le purin qui s’écoulait au fond des "berrichons" se mélangeait à l’eau d’infiltration et à l’eau de pluie, ces bateaux n’étant pas couverts par des écoutilles. De ce fait, les odeurs se dissipaient dans l’air.
Sur les bateaux couverts, les bateliers profitaient, par exemple, du passage des écluses pour ouvrir les demi-écoutilles des écuries et permettre ainsi l’aération de l’écurie.
Les animaux pouvaient être la propriété du batelier ou de sa société ou encore appartenir à un charretier.
Celui-ci pouvait embarquer pour la durée du voyage ou rester au service du batelier de longues années.
Dans le deuxième cas il finissait par faire "partie de la famille".
Si le charretier ne donnait pas satisfaction il était remplacé dès que possible ou immédiatement en cas de faute grave.
Lorsque chevaux et bateau appartenaient à une société ou à un petit entrepreneur en batellerie, le marinier voyait son salaire augmenté pour la conduite et l’entretien des animaux.
Le principal inconvénient de l’écurie à bord réside dans la réduction de la charge embarquée du fait volume de l’écurie. Pour pallier le mieux possible à ce problème, le marinier pouvait, au moment du chargement du fret "bourrer à la main les endroits inaccessibles aux trémies, travail long et pénible mais, lorsqu’il était correctement exécuté, permettait de gagner deux ou trois précieuses tonnes de marchandise" (2).
La mise en place du pont d’écurie. Dessin de Martial Chantre « Des chevaux, des péniches et des hommes » © Collection Association des Amis du Musée de la Batellerie.
Une autre charge incombait au marinier, celle de faire passer les animaux d’ "à terre à bord" et d’ "à bord à terre". Une tâche pas aussi aisée qu’ il y parait.
Il fallait d’abord mettre en place le lourd pont d’écurie entre le bateau et la berge. Pour se faire, le marinier utilisait un mat de charge fixé sur le mat ou une grue de Sarralbe. Ensuite les équidés devaient passer sur cette planche posée au-dessus de l’eau, exercice dangereux surtout pour les chevaux, mulets et ânes qui débutaient.
Le document 3 permet de comprendre que l’entrée ( ou la sortie ) d’écurie n’était pas non plus des plus faciles. Il fallait au cheval ( ou à l’âne ou au mulet ) descendre (ou monter) par la "descente d’écurie", forte planche munie de taquets destinés à empêcher l’animal de glisser( Une fois les animaux à bord, cette planche était relevée laissant ainsi plus d’espace disponible à l’intérieur de l’écurie).
Par exemple, le cheval qui sortait devait monter sur une planche fortement inclinée vers le haut, puis descendre à terre par un pont d’écurie plus ou moins incliné vers le bas selon que le bateau était ’lège"**** ou en charge. Si le pont d’écurie était posé sur une digue ou une berge plus haute que le bateau, il fallait encore monter.
Il y eu des accidents plus ou moins dramatiques.
Sur les flûtes berrichonne, l’entrée ou la sortie dans l’écurie se faisait dans le sens longitudinal du bateau toujours par une "descente d’écurie".
Tout ceux qui ont eu à faire entrer un jeune cheval dans un van ou un camion comprendront.
Les mariniers du nord de la France appelaient ces bateaux "les boites à fumier".
Martial Chantre fait remarquer que d’après lui le terme n’était pas forcément péjoratif.
En avoir la responsabilité, pour ceux qui dépendaient d’une société, était vu comme une promotion, le salaire du marinier s’en trouvant amélioré par le travail supplémentaire que nécessitait l’entretien et la conduite des équidés (4).
La plupart de ces bateaux étaient en bois.
Les "péniches" métalliques apparurent vers 1920 et certaines furent équipées d’écuries.
"C’était encore une promotion de se voir proposer l’une d’elles, promotion que le marinier, dans beaucoup de cas refusait ne voulant pas abandonner ses chevaux qui, depuis de nombreuses années, faisaient partie de la famille.
Devant la pression des mariniers contremaîtres, certaines compagnies furent contraintes de construire une écurie centrale..."
(4)
Il fallait dans ce cas aménager le bateau afin de récupérer les urines qui auraient pu endommager la coque métallique.
Les bateaux-écuries navigueront principalement sur les réseaux Nord, Est et Centre du pays.Ils seront absents des canaux bretons.
En 1935, environ 1500 bateaux-écuries naviguaient encore sur le réseau fluviale national (Wikipédia). Leur nombre ira en diminuant au fil du temps. Les derniers bateaux-écurie disparurent entre 1960 et 1970 (5).
La deuxième solution, que nous examinerons dans le prochain article, est de se faire haler par des chevaux qui restent à terre.
Dans ce cas, il existe un très grand éventail de solutions.
* Courbes : Fortes membrures horizontales reliant les planches du fond du bateau.
** Clans : Chevrons de chêne, goudronnés, qui constituaient l’ossature verticale de la caisse du bateau.
Les clans et les courbes pouvaient être cloués ou boulonnés selon les chantiers de construction.
*** Moustaches : Grosses pièces de bois épousant la forme des épaulures avant de chaque côté du bateau. Certains bateaux dits "berrichons" possédaient des moustaches renforcées.
**** Bâtard : Terme courant et familier qui s’appliquait à tous les bateaux dont les dimensions ne correspondaient pas aux possibilités maximales de réception des écluses construites aux normes Freycinet, c’est à dire des bateaux ne mesurant pas 38m50 x 5m05 pour des écluses de 40m sur 5m20.
Ndlr : Certains auteurs considèrent que les "berrichons", conçus pour le canal du Berry et ses écluses, n’étaient des bâtards.
Définitions tirées de l’ouvrage " La batellerie d’autrefois" de Léon Lepetit-Blois.
***** Lège : bateau de commerce vide (tend à disparaître au profit de "vide" ou "vidange"). Définition Histoire et patrimoine des rivières et canaux..
Un certain nombre de textes et d’illustrations sont reproduits ici avec le consentement de leurs auteurs ou propriétaires. Merci de ne pas les utiliser sans autorisation.
A suivre.
La peinture de la vignette," Hi han je veux sortir" est l’œuvre de Mr Claude Delcloy
(1) Léon Lepetit-Blois. La batellerie d’autrefois. Imprimerie du Moulin. 1991.
(2) François Beaudouin.Battellerie et bateaux du canal du Berry.Les cahiers du Musée de la batellerie.. Décembre 1985.
(3) A. Desaunay et P. Simond. Roanne et la Haute Loire navigable. Les études rhodaniennes.1935. Persée.
(4) François Berenwanger. Halage et traction. Souvenirs d’un batelier. Les cahiers du musée de la batellerie. Mai 1993.
(5) Chevaux et gens de l’eau sur les chemins de halage. René Descombes. Cheminements éditeur.2007

Portfolio

  • 01 . Foin protégé par une bâche contre l'écurie.
  • 02 . Doc. AAMB.Batellerie et bateaux du canal du Berry F. Beaudouin.
  • 03 . Doc. AAMB. Halage et traction François Berenwanger.
  • 04 . Doc. AAMB. Halage et traction François Berenwanger.
  • 05 . Doc. AAMB. Halage et traction F. Berenwanger.
  • 06 . Je voudrais sortir.
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