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Les dernières remontées,la fin d’une époque.Les chevaux des mines (16).

D 12 novembre 2013     H 14:57     A Traitgenevois     C 0 messages


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La fin de l’utilisation des chevaux de trait, que ce soit dans les mines ou dans l’agriculture serait due, entend on très souvent, à la mécanisation.
Quelle erreur ! La mécanisation a au contraire été extrêmement favorable aux chevaux de trait. C’est le développement de la mécanisation agricole qui va être à la source de la demande d’un cheval de trait capable de tracter toutes ces nouvelles machines que sont les faucheuses, les râteleuses, les charrues brabants etc...
 
La motorisation de façon autonome ou non de toutes ces machines va commencer à changer la donne.
Très tôt des essais seront fait dans les mines avec des machines à vapeur situées à l’extérieur et propageant leur force motrice au fond par des câbles.
Certaines mines Britanniques utilisent des machines à vapeur au fond pour le transport du charbon dans les galeries principales.
Le développement de moyens de transport puissants à air comprimé ou électriques a commencé très tôt dès la deuxième moitié du 19ème siècle.
En 1874, une tentative d’introduction de traction à air comprimé échoue dans le bassin lorrain. (1)
 
Dans son étude de 1926, A. Deleau chiffre les capacités comparées des chevaux et des machines.
Un cheval, relève t-il, peut fournir un travail moyen de 30 tonnes kilométriques utiles alors qu’une locomotive atteint le chiffre de 250 tonnes.
Ses calculs soulignent que les locomotives sont plus rentables que les chevaux au delà de 30 tonnes kilométriques utiles.( Photo 1)
"Sur 27 puits que comptent le sous-arrondissement de Valenciennes, les machines ne sont utilisées que dans 5 ; dans ces sièges ont emploie également des chevaux soit pour suppléer les locos en cas de panne, soit pour effectuer des travaux secondaires. On peut dire qu’à l’heure actuelle, le cheval est encore un tracteur indispensable au service au fond des mines." (2)
 
Mais le processus est enclenché et les jours de chevaux au fond des mines sont comptés.
 
La Machine. Au début du 20ème siècle les locomotives sont déjà très présentes en surface. Le cheval, tout en haut, croise le mode de transport, en bas, qui va peu à peu le supplanter. © Collection Yves Paquette.
 
 
Les derniers équidés engagés au fond mines se verront attribués les chantiers les plus difficiles. Ceux où une rentabilité incertaine les fait préférer aux machines. Un voie provisoire est installée et le chantier peut commencer. La mauvaise pente et la galerie étroite seront le lot des chevaux en cette fin d’utilisation.
 
D’autres seront employés en surface où leur facilité d’emploi et leur polyvalence peuvent encore être rentables.
Il est par exemple plus facile de déplacer un cheval en travers des voies pour déplacer un wagon que de mobiliser une locomotive pour cette tâche.
Mais la spécialisation des moyens finira par porter le coup de grâce à la traction animale dans les mines.
 
Les dates des dernières remontées diffèrent quelque peu selon les auteurs.
Difficile de préciser quels sont exactement les derniers chevaux à avoir travaillé au fond. Il faut faire la distinction entre les derniers à avoir travaillé dans les galeries des chantiers de production et les derniers à être descendus pour divers travaux annexes.
Ainsi un des derniers chevaux utilisé dans les mines allemandes le sera t-il pour débarrasser le fond de certaines galeries des matériaux métalliques qui y restent.
Or il n’y a plus d’ énergie disponible au fond. Une dernière fois les mineurs auront recours au cheval que sa mobilité et son autonomie rendent le plus apte à ces travaux.
 
Le dernier cheval présent à La Machine, Domino, remontra en mars 1955 et la dernière ânesse, Lisette, en janvier 1957 (Photos 2 et 3 ).
 

1960- 2 derniers chevaux de fond du bassin houiller lorrain, à Merlebach-Cuvelette.

 Derniers chevaux- Cuvelette : Coquette, Henriette,Jacqueline, Gaby.
 Vouters : Max, Roubaix, Bijou, Schimmel.
1961- Niort, dernier cheval de fond à la fosse 9 de l’Escarpelle situé a Roost-Varendin (Nord).
1962- Dernière remontée officielle à Merlebach.
1965- Luisant est le dernier cheval à remonter à la fosse 9 de Oignies (Pas-de-Calais).(1)
C’est Bambino qui sera, en 1976, l’ultime cheval à rejoindre la lumière dans le bassin Nord/Pas-de-Calais.
 
 
 
Cette fin de l’utilisation des équidés dans le mine ne doit pas faire naître de nostalgie, les chevaux (pas plus que les hommes) ne sont faits pour vivre à plusieurs centaines de mètres sous la surface de la terre.
 
Nous laisserons Henri Raimbaut clore cette longue, belle et tragique histoire avec son poème
"Niort dernier cheval de fond"

Je t’embrasse vieux compagnon
Tu vas remonter au jour
On en a tiré du charbon
Pendant tes 15 ans de parcours

T’es un cheval très courageux
On n’a jamais été en rade
Même quand c’était laborieux
J’ai eu l’meilleur des camarades

Parfois un peu cabochard
Tu m’en as fait des caprices
Te comporter comme un toquard
Il te fallait ta friandise

Je te vois dans une prairie
A l’ombre d’un vieux clocher
Dans un petit coin de paradis
Où le cheval est bien aimé

J’irai te voir dans ton domaine
Là au grand soleil
On reparlera de nos peines
De notre vie et des écueils

Allez va mon vieux pépère
Pour une retraite super

 
Remerciements.
 
Tous ces articles ne représentent qu’un survol de la présence des chevaux dans les mines et plus encore de l’exploitation minière.
Sans un certain nombre de personnes je ne serais pas allé bien loin.
 
D’abord c’est vers Josette et Jérôme Caron qu’il faut se tourner, eux qui furent finalement à l’origine de ces recherches, ainsi que vers Roland Stiévenard et son ouvrage sur les travail des enfants dans les mines.
Ensuite une chaîne s’est mise en place pour me faire remonter des informations.
Henri Coulonval, Marcel Mavré et Daniel Sotty sont passés par là.
Yves Paquette m’a très gentiment fourni le gros des illustration avec sa collection de cartes postales.
Eric Rousseaux m’a transmis des illustrations et m’a permis d’utiliser son ouvrage " Mules et mulets, des animaux d’exception". Geste éditions.
Sylvain Post, quant à lui, m’a autorisé à puiser dans l’ouvrage de référence sur les chevaux des mines : Les chevaux des mines retrouvés. A lire absolument pour qui s’intéresse au sujet.
Un merci et une pensée vers Henri Raimbaut qui m’a permis de publier ses poèmes.
 
 
Des sites m’ont également apporté leur concours :
 
Merci également aux musées de Lewarde et de La Machine.
 
Merci surtout à Cagoule, Clairon, Nénette, Flambeau, Rebecca, Coco, Mignonne, Bijou, Oscar, Grisette, Rigolo, Grenade, Bécarre, Rachelle, Derby, Rita et quelques dizaines de milliers d’autres juments, chevaux, mules, mulets, ânes et ânesses qui ont travaillé à notre service dans les mines.
 
(1) D’après le livre "Les chevaux de mine retrouvés" de Sylvain Post (avec la participation du docteur Pascale Kientz-Lahner et de Jacques Urek), disponible en libraire sur commande aux Ed. De Borée Diffusion.
(2) Du cheval de mine. André Deleau de la faculté de médecine de Paris. Lyon. Imprimerie Bosc frères et Riod. 1926.
 
Reproduction des photos et textes strictement interdite sans autorisation.

Les cartes postales du portfolio sont issues de la collection de Mr Yves Paquette.

Portfolio

  • 01 . Comparaison du rendement entre chevaux et locomotives. En absices (...)
  • 02 . Fiche de Domino, le dernier cheval à avoir travaillé dans les galeries à (...)
  • 03 . Fiche de l'ânesse Lisette, la dernière à remonter à La Machine. Elle (...)