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Henri Coulonval : un bourrelier aux champs. (1ère partie).

D 24 décembre 2012     H 18:52     A Traitgenevois     C 0 messages


« Tout autour s’étendait la Champagne pouilleuse. Puis la région s’est appelée la Champagne améliorée et pour finir la Champagne enviée. Avant la guerre les rendements y étaient très faibles et les fermes travaillaient avec des chevaux. A présent, si mon père voyait les rendements...Aujourd’hui l’on y travaille avec des tracteurs et des machines énormes ».
 
Lorsque Henri Coulonval se met à raconter, c’est toute une vie oubliée qui surgit du passé.
Le village s’anime et résonne à nouveau du pas des chevaux dans les rues. Pierrot, Sansonnet ou Dudule le grand rouge, un entier, ont été amenés au village par leurs propriétaires.
C’est un jour de pluie et bon nombre d’agriculteurs sont venus,qui chez le charron, qui chez le maréchal-ferrant ou le bourrelier.
 
"Ces jours là mon père me disait : on va avoir de la visite Les paysans venaient souvent discuter avec nous à la boutique, même s’il n’avaient rien à faire réparer. Nous échangions les dernières nouvelles, parlions de la famille... "
Oui, tout un passé révolu revit à travers ces récits et pour les conter, Henri Coulonval n’a pas son pareil.
 
C’est le 28 août 1926, dans le département de l’Aube, que naît Henri Coulonval. Son père, Léon Coulonval, exerce la profession de sellier-bourrelier depuis déjà plusieurs années. En 1893 il a appris son métier chez un maître bourrelier, Monsieur Milon, dont l’atelier était situé à Brevonnes (Aube).
La guerre de 1914/1918 le retiendra quatre années durant loin de chez lui.
 
Henri est dans les bras de sa mère. Son père est sur le pas de la porte à côté des ses deux commis.
 
A son retour il ira travailler pour un patron avant de reprendre une bourrellerie dans un village de la campagne troyenne. A cette époque, le travail est abondant et deux ouvriers sont à l’ouvrage avec lui. Le cheval est alors roi dans la plaine champenoise.
Toutes les fermes possèdent leurs animaux de trait. La terre de cette partie de Champagne est légère et se travaille bien.La sellerie-bourrellerie entretient le matériel de 420 chevaux dispersés dans les fermes alentour.
 
La demande est importante mais il faut travailler dur. Les journées de travail font facilement dix heures et l’atelier est à l’œuvre 6 jours par semaine.
 
"Mon père m’a raconté l’histoire d’un ouvrier qui était venu chercher du travail chez lui en 1925. Il venait de la Meuse. Quand il a su qu’il n’y avait « que » 6 jours de travail, il a tout de suite accepté de s’embaucher. Là d’où il venait, la semaine se terminait le dimanche à quatre heures l’après-midi, ensuite il fallait nettoyer l’atelier. Il ne restait pas grand chose comme temps libre..."
 
Dans ces années là, un commis qui travaillait à la sellerie touchait un salaire mensuel d’environ 300 francs. Par comparaison le kilo de pain en 1925 coûtait à Paris 1,58 franc. 300 francs en 1925 équivalent à environ 245 euros actuels.
Le pays est envahi lors du deuxième conflit mondial. Le bâtiment qui abrite la bourrellerie échappe de peu aux bombardements qui touchent le village en 1940.Le toit et un mur de l’atelier sont cependant endommagés par une bombe tombée tout près.
La famille se résout à l’exode puis revient peu après.
 
Les dégâts du bâtiment sont réparés. C’est à ce moment qu’est mis en place cet ensemble de petits tiroirs dans lesquels est rangée toute la petite quincaillerie nécessaire à une bourrellerie.
 
Le travail reprend à l’atelier mais la guerre va bouleverser les habitudes et engendrer de nouvelles contraintes. 
Après l’armistice de juin 1940, les troupes d’occupation ont la main-mise sur toutes les denrées.
 
Daniel*D. Tickets de rartionnement. Wikipédia.
Tenir une bourrellerie n’est pas chose aisée à cette époque. Les fournitures sont soumises à de nombreuses restrictions.
Pour beaucoup de produits il faut s’approvisionner par le biais des tickets de rationnement. Les cuirs, les toiles et les métaux sont rares et souvent réquisitionnés par l’occupant.
Maintes fois il faudra se résoudre à recycler les vieux matériels.
Se pose également le problème des animaux qui assurent le travail dans les fermes. L’occupant a mis la main sur les chevaux, bien entendu sur les meilleurs de ceux encore sur place.
 
"L’armée française était déjà passée au moment de la mobilisation pour acquérir les chevaux dont elle avait besoin, ce qui fait qu’il n’y en avait plus beaucoup dans les fermes, même si certains cachaient les leurs."
Il faudra faire avec ceux qui restent.
 
Henri Coulonval nous conte une anecdote « Comme il ne restait que peu de chevaux, un fermier des environs avait attelé ensemble un cheval et un taureau. Mon père avait bricolé un collier et retouché les points de tirage en fonction de la bête. Et ça avait fonctionné ! »
 
Les temps sont difficiles et il faut aider la famille financièrement.Comme bien d’autres jeunes gens de l’époque il va lui falloir renoncer à ses rêves professionnels et se lancer dans la vie active plus tôt que prévu.C’est dans ce contexte qu’une fois son certificat d’études en poche, Henri Coulonval apprendra son métier de bourrelier avec son père.
Cette profession il va l’exercer jusqu’en 1958. Le déclin de la traction animale amorcé au début des années cinquante est irréversible. Le cheval est progressivement remplacé par les engins motorisés et la bourrellerie dépérit.
 
La matelasserie et la sellerie automobile ont pu, un temps, faire illusion, mais c’est bien la fin d’une époque et de nombre d’activités qui lui sont associées.
 
Henri Coulonval ne quittera cependant pas le monde agricole, devenant démarcheur d’une grande banque rurale.
 
A suivre.
 
 
 

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