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La course à la production et au rendement. Les chevaux des mines (4).

D 31 décembre 2012     H 13:45     A Traitgenevois     C 0 messages


Paradoxalement, on peut dire que c’est la révolution industrielle qui a développé l’utilisation des chevaux dans les mines.
La machine de Newcomen puis la machine de Watt font entrer l’Europe dans l’ère industrielle moderne.
Cette dernière invention va rapidement faire fonctionner des machines industrielles, pompes, locomotives, bateaux ...
Pour remplir leur tâche ces machines réclament du combustible.
Celui-ci se doit d’être le plus abondant et le moins cher possible. Le charbon va détrôner le bois dans ce rôle.
Mais en ce début de 19ème siècle, le rendement des mines n’est pas des meilleurs.
 
L’exploitation du charbon peut être vue comme une longue chaîne qui part du front de taille et qui se termine chez l’utilisateur.
Une chaîne n’est jamais plus forte que son maillon le plus faible, aussi chaque étape de la production doit être en proportion de celle qui la précède et de celle qui la suit.
 
Les pratiques sur le front de taille vont aller en s’améliorant. Là où auparavant on abandonnait jusqu’au tiers du charbon exploitable derrière soi, les nouvelles techniques d’abattage permettent d’exploiter la quasi totalité de la veine.
 
Maquette de baritel. Centre Historique Minier/Lewarde.
 
Le baritel est le moyen le plus couramment utilisé pour remonter le charbon en ce début de 19ème siècle.
A titre d’exemple,deux chevaux peuvent extraire en 6 heures 13 tonnes de minerai d’un puits de 200 mètres de profondeur avec ce procédé (1).
 Il faudra attendre les années 1870/1880 pour que des machines à vapeur remplacent presque totalement les vargues et baritels..
Une des premières machine à vapeur d’extraction fut installée à la mine du Mollay-Litry, Calvados en 1801.
 
 
Cuffats du musée de la mine à La Machine.
 
La plupart du temps ce sont encore des cuffats qui servent à remonter la houille.
Leur capacité varie de 4 à 22 hectolitres selon les exploitations et la force de la machine qui les met en mouvement. Leur vitesse n’est que de 1m50/seconde s’ils ne sont pas guidées.
 
L’introduction de cages guidées améliorera considérablement la situation.
La vitesse des cages atteindra 12 mètres seconde puis 18 mètres seconde et la capacité d’extraction s’en trouvera améliorée.
 
Au fond la situation n’est pas plus brillante. Le portage, le brouettage et le traînage restent majoritaires en ce début de siècle.
Or ils impliquent tous des manipulations nombreuses et coûteuses.

Il faut, par exemple, remplir les brouettes, les bennes etc..., les transporter le plus souvent avec des relais, puis les vider dans le cuffat.
Les distances que permettent de parcourir ces divers moyens ne sont pas grandes.
Les charges non plus.
Charge porteur :de 40 à 50 kg ; rendement estimé : 200 à 300 kg à 1km par journée de 8 heures.
Charge brouette : 60 kg ; rendement estimé : 500 kg à 1km par journée de 8 à 10h
Charge charriots traînés : de 60 à 160 kg ; rendement estimé : selon l’état du sol de 250 kg pour un sol en mauvais état à 800 kg à 1000 kg dans les meilleures conditions. (2)
 
Mine de la Haute-Cappe à une vingtaine de kilomètres de St Etienne.
© Collection Yves Paquette.
A la fin du 18ème siècle la production journalière du bassin de Rive-de-Gier s’établit à 10 000 hl soit 840 000 kg * .
Il va falloir trouver des moyens d’améliorer ces performances. Nous parlerons plus loin de l’incidence de ces techniques sur le bien-être (si l’on peut dire) des mineurs.
 
Mine La Buscalie à Decazeville. On peut voir sortir un cheval d’une mine à grisou.
© Collection Yves Paquette.
Il n’est pas question pour des raisons évidentes de faire pénétrer des machines à vapeurs dans les galeries de mines. Emanations des vapeurs et grisou rendent impossible cette solution.
C’est vers le cheval que vont se tourner les ingénieurs des mines. La traction animale est toujours majoritaire dans le pays. Le cheval est un des principaux moteurs utilisés tant en agriculture que dans les transports.
 
Nous l’avons dit, c’est en Grande-Bretagne que les chevaux sont les premiers introduits dans les mines. Les mines du nord de l’Angleterre vont utiliser des poneys dont la taille est de 0m90. Ils vont se déplacer dans des galeries de 1m10/1m20.
La taille est importante. Il s’agit de gagner temps et argent en évitant de creuser du rocher, improductif par nature, pour permettre à de grands animaux de se déplacer.
Soit la veine est mince et alors il ne faut dégager que le charbon, soit il s’agit de galeries d’accès et il faut au maximum limiter leur section(3).
 
Dès lors que l’emploi du cheval semble admis dans les galeries, les ingénieurs des mines vont s’attacher à démontrer l’avantage qui découle de leur utilisation par le calcul.
 
Amédée Burat donne le prix du transport de 100kg de charbon sur 100m selon différents moyens de transport :
Porteurs : 0,080fr
Traîneurs ou brouetteurs : 0.030fr
Chevaux traîneurs : 0,017fr
Le roulage sur rail par des chevaux est quant à lui estimé à 0.0012fr .
 
Monsieur Vuillemin, l’ingénieur des mines de la compagnie d’Aniche, Nord/Pas de Calais, fait ses calculs en 1847 :
"Le transport de 400 hecto. de charbon sur une distance de 310 mètres coûte actuellement.
6 1/2 journées de hercheur à 2f30 ....F 14,95.
Par chevaux il coûterait :
1 journée de cheval à 3f...............................F 3.
1 journée de conducteur à 2f30..................F 2,30.
1 journée de gamin à 1f................................F 1.
1 journée de chargeur à la tonne à 2f30... F 2,30. F8,60.
Différence en faveur du transport par cheval..........6.35 par jour" (4)
 
Cet ingénieur est bien conscient qu’il ne prend pas en compte dans ce calculs le coût à prévoir pour l’aménagement les galeries afin qu’elles puissent accueillir les chevaux.
Mais il note qu’une production journalière qu’il espère voir passer à 670 hectolitres/jour, n’occasionnerait pas plus de frais avec le cheval. Ceci à l’inverse de l’emploi de hercheurs dont l’activité passerait à 10,8 journées de travail.
L’économie annuelle s’élèverait à 1905Frs pour 400 hectolitres et à 4872Frs pour les 670 hectolitres en faveur du transport à cheval.
 
A la compagnie des mines d’Anzin, Mr Cabany estime que dans les meilleurs conditions, un rouleur peut transporter en moyenne 3 tonnes de charbon à 1 kilomètre dans sa journée et que le cheval lui aussi placé dans les meilleurs conditions peut transporter 60 tonnes à 1 kilomètre(5).
 
 


A suivre dans la deuxième partie.
 
Reproduction des textes et photos strictement interdite sans autorisation. Les cartes postales du portfolio sont issues de la collection de Mr Yves Paquette.
 
* L’hectolitre de houille du bassin de St Etienne est estimé peser 84kg. Encyclopédie du commerce et des marchandises.Paris Guillaumin et Cie éditeurs-1841.
 
(1) Musée de La Machine
(2)Géologie appliquée-Traité du gisement et de l’exploitation des minéraux utiles. Amédée Burat. Langlois et Leclercq Paris 1855.
(3)Traité de l’exploitation des mines de houille, ou, Exposition ..., Volume 3 Par Ami Théodore Ponson,Jules Ponson
(4) Centre historique minier/Lewarde.
(5) Matériel des houillères en France et en Belgique. Amédée Burat. E. Noblet éditeur. Paris/Liège 1861.
 
 
 

Portfolio

  • 01 . Vargue à Rive-de-Gier. La vargue est le nom du baritel dans la région (...)
  • 02 . Principe de fonctionnement des vargues ou baritels. Un tambour tourne (...)
  • 03 . Baritel. Extrait de La vie souterraine de Louis Simonin. (...)

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